Nous devons d'abord nous rappeler que Dieu Tout-Puissant s’adresse tous les êtres humains, et qu’Il les appelle tous, sans exception, à réfléchir sur le Coran et ses versets : « Ne méditent-ils pas sur le Coran ? Ou y a-t-il des cadenas sur leurs cœurs ? » (Sourate Mohammad, 24). Personne ne nie que quiconque  s’attelle à interpréter un texte, surtout si ce texte est "sacré", doive l’interpréter selon des méthodes rigoureuses. Mais le problème posé ici réfère à ceux qui empêchent les gens à priori de faire de l' « ijtihad » ; ils ne critiquent pas une interprétation en termes de méthodologie ou de contenu, mais ils s’opposent à la légitimité de l’interprétation elle-même, autrement dit, ils confisquent dès le début le droit des gens à lire le Coran et s'appuient souvent sur le ce verset du Coran: "...Demandez donc aux gens du Souvenir si vous ne savez pas" (Annahl, 43).

Le sens commun de « gens de rappel» inclut les spécialistes dans un domaine particulier. Habituellement, cette description désigne chez les sunnites un mâle dont la congrégation témoigne d'une compréhension en matière de religion. Chez aux chiites, cette qualité est attribuée aux imams qui se distinguent par un haut degré qui leur confère un savoir que personne d'autre ne possède. Les juristes musulmans peuvent diverger dans leur définition des « gens du rappel », mais leur accord sur une personne ou un groupe d'entre eux permet l'exclusion de ceux qui sont perçus comme n'appartenant pas à l’ensemble des « gens du rappel ».

Si nous revenons au contexte du verset, nous constaterons qu'il a une signification complètement différente. Le discours dans le verset s'adresse au prophète Muhammad. Il stipule que Dieu a envoyé d'autres messagers avant le messager de l’islam.

 Le verset fait argument face à ceux qui nient la prophétie du Messager Muhammad au motif que Dieu n'aurait pas choisi de simples êtres humains pour révéler Son message. C'est ce qu'Al-Tabari rapporte dans son exégèse : "Quand Dieu a envoyé Muhammad comme messager, les Arabes ont nié cela, ou certains d'entre eux l'ont nié, et ont dit : Dieu est plus grand que Son Messager soit aussi humain que Muhammad. Al-Razi soutenait la même doctrine dans son exégèse du Coran, soulignant que les polythéistes qui niaient la prophétie avaient l'habitude de dire: Dieu est trop grand et pour que son messager soit un être humain ; s'il voulait nous envoyer un messager à nous, il aurait choisi un ange.

Le verset veut donc prouver à ceux qui nient la prophétie de Muhammad que ses prédécesseurs étaient aussi des êtres humains. Et qui est plus à même de témoigner que les précurseurs du Messager parmi les prophètes étaient des êtres humains que des personnes dite « gens de rappel » (Ahl adhdhikr). Ce sont ceux qui "avaient lu les livres avant eux : la Torah, l'Evangile, et d'autres livres de Dieu  révélés à ses serviteurs » (Exégèse d’Al-Tabari).

Ainsi, la locution : « gens du rappel » ne désigne pas les personnes qui font l’objet de la lutte herméneutique que l'on observe de nos jours entre certains musulmans. Ce terme désigne selon le contexte du Coran les personnes qui devront témoigner de la véracité du message du prophète Muhammad. Et selon cette acception, nul n'a le droit d'empêcher une personne de contempler les significations du Coran et de ses versets, sous prétexte qu’il ne fait pas partie des gens du rappel (Ahl adhdhikr).